Pour le plaisir et pour le pire by Laure Hillerin

Auteur:Laure Hillerin [Hillerin, Laure]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
Éditeur: Flammarion
Publié: 2019-11-07T00:00:00+00:00

Mais Charles ne publiera jamais ce manifeste, comme en témoigne la mention manuscrite ajoutée au crayon par l’auteur : « Projet proposé par moi (et n’ayant pas reçu de suite) à l’empereur Charles en août 1920. »

Fervent défenseur de l’Église catholique en France, Boni a ses entrées au Vatican. Alors qu’il s’efforçait d’obtenir la déclaration de nullité de son mariage, il a été reçu en audience par le pape Pie X, puis par Benoît XV, élu un mois avant le début de la guerre. Il fréquente plusieurs cardinaux, parmi lesquels Pietro Gasparri, qu’il a rencontré à plusieurs reprises. Il est également très lié avec François Deloncle, bien qu’il ait jadis été son adversaire politique dans les Basses-Alpes, car celui-ci partage ses vues en matière de politique extérieure. Proche du Saint-Siège, Deloncle a mené pendant un an avec le Vatican une mission secrète visant à apporter de l’aide aux Juifs persécutés – et à obtenir du même coup le soutien de la communauté juive américaine pour la négociation d’une paix séparée avec l’Autriche-Hongrie.

Les causes humanitaires soutenues par l’Église constituent pour Boni un ultime levier d’action, qu’il essaie encore d’employer en mai 1921 lorsqu’il invite à sa table lord Balfour en compagnie de Mgr Cerretti, récemment nommé nonce apostolique à Paris. En organisant cette rencontre, c’est la voix du pape qu’il espère faire entendre au Foreign Office – une voix qui n’a cessé de plaider pour la paix depuis le début de la guerre, et qui, en ce début des années vingt encore, s’élève pour dénoncer la grande misère du peuple autrichien. Peut-être, à l’occasion de ce dîner, Boni ou le nonce ont-ils fait lire au diplomate l’émouvante lettre de Benoît XV, dont Boni conservera une copie dans ses archives.

La situation unique et lamentable à laquelle l’Autriche s’est trouvée réduite du fait de la fortune des armes et du traité de paix a pris désormais une gravité telle qu’il Nous est impossible de garder plus longtemps le silence.

Cette noble et glorieuse Nation, qui au cours des âges a si magnifiquement collaboré à la défense de la foi et de la civilisation chrétienne, a perdu toute son antique splendeur et se voit réduite à quelque six millions d’habitants, dont un tiers au moins dans la seule ville de Vienne. Cette capitale, jadis le centre d’un vaste et florissant Empire où affluaient à profusion ressources et produits de tout genre, ressemble aujourd’hui à une tête séparée du corps et se débat dans les horreurs de la misère et du désespoir. On ne voit pas, étant donné l’anéantissement de son commerce, la paralysie de son industrie et l’énorme dépréciation de sa monnaie, comment l’Autriche pourrait trouver chez elle les moyens de pourvoir aux institutions d’un État et de fournir du pain et du travail à sa population. Les conséquences de cette situation ont une répercussion effroyable sur toutes les classes de la société, particulièrement sur les indigents, les malades et les enfants, en faveur desquels Nous avons à diverses reprises fait appel à la charité des cœurs généreux.

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